Vendredi soir, nous nous sommes retrouvé·e·s à plusieurs pour discuter des prochaines votations. Je me suis dit que, comme tous les partis font des recommandations de vote, j’allais proposer un résumé de nos réflexions dans le but de vous aider à vous positionner.

N’hésitez pas à me contacter pour me faire part de vos retours et vos désaccords, ça me permettra peut-être d’y voir plus clair.

Je respecte l’ordre officiel qui est:

# Initiative populaire interdiction de l’expérimentation animale et humaine

Ce qu’on peut dire directement avec cette initiative c’est qu’elle ne fait pas l’unanimité, en effet, à part l’association animaliste PEA, tout le monde est contre cette initiative.

Pour commencer, il est vrai que la médecine a fortement progressé grâce à l’expérimentation animale, et surtout ça a permis de moins mettre en danger des humain·e·s.

Ensuite, l’acceptation de cette initiative empêchera jusqu’à l’importation de médicaments ne répondant pas aux critères, ce qui s’il n’y a pas d’alternative peut-être un problème. Je pense notamment aux tests de grossesse, qui d’après la récente vidéo d’Unnatural Vegan (désolé c’est en anglais), sont exclusivement basés sur de l’exploitation animale.

Mais à quoi correspond cette expérimentation animale? Selon le document de Swissuniversities, la recherche est classée selon quatre degrés de gravités, à savoir:

  • Degré de gravité 0: Absence de contrainte
    Si un animal n’éprouve aucune douleur, souffrance, blessure ou anxiété au cours d’une expérience, le degré de gravité est classé 0. Ce type d’expérience peut impliquer, par exemple, l’observation du comportement pour étudier les capacités sociales et cognitives chez un animal.
  • Degré de gravité 1: Contrainte légère
    Si un animal éprouve une douleur ou une blessure légère et de courte durée ou une légère perturbation de son bien-être général, le degré de gravité est classé 1. Par exemple, si un animal subit des prises de sang répétées dans un laps de temps de 24 heures.
  • Degré de gravité 2: Contrainte moyenne
    Si un animal éprouve une contrainte modérée et de courte durée ou une contrainte légère mais qui dure plus longtemps, le degré de gravité est classé 2. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une intervention chirurgicale est réalisée sur un animal sous anesthésie générale, suivie de douleurs postopératoires modérées ou d’une altération modérée de son état général postopératoire. Des études de degré 2 sont, par exemple, menées pour améliorer la guérison des tendons, du cartilage ou des os.
  • Degré de gravité 3: Contrainte sévère
    Si un animal éprouve une douleur intense, une souffrance continue, une peur importante ou subit une altération sévère de son bien-être général, ou si les contraintes sont modérées mais se prolongent sur une durée moyenne ou longue, le degré de gravité est classé 3. La transplantation d’une tumeur maligne est un exemple d’expérience de degré de gravité 3.

On pourrait à juste titre demander où se trouve le degré -1, celui dans lequel les animaux étudiés sont dans leur milieu naturel, car à priori tous degrés listés ici impliquent forcément une privation de liberté et à priori un élevage principalement pour la recherche. Également, je n’ai pas trouvé l’info sur ce qu’il advient des animaux sur lesquels nous faisons des tests, sont-iels utilisé·e·s dans d’autres expériences ou simplement mis·es à mort?

Au niveau des chiffres du gouvernement, voici les statistiques 2020:

Espèce animale DG 0 DG 1 DG 2 DG 3 Total
Rongeurs de laboratoire 111'300 127'304 142'175 18'844 399'623
Lapins, chiens, chats, primates 5'979 405 348 7 6'739
Animaux d’élevage 14'237 2'408 163 17 16'825
Divers mammifères 1'454 1'117 4 1 2'576
Non mammifères 102'310 24'330 2'861 843 130'344
Total 235'280 155'564 145'551 19'712 556'107

Nombre d’individus par espèce et par degré de gravité, selon les statistiques officielles

On voit qu’il y a quand même 165'000 individus en degré 2 ou 3, ce qui pose une question éthique: Est-ce acceptable? Je pense que c’est là le fond de la réflexion, est-ce acceptable de faire souffrir ainsi des animaux pour améliorer notre vie, en gardant à l’esprit qu’à priori l’initiative ne devrait pas passer vu les recommandations de tous les partis.

# Initiative populaire enfants et jeunes sans publicité pour le tabac

Pour cette initiative, je pensais qu’il n’y avait déjà plus de publicité pour le tabac (je vis dans un monde faiblement touché par la publicité, donc fortement biaisé), et apparemment non.

Quelle est la situation actuelle du coup1?

  • il est interdit de faire de la publicité radio et télévision, ainsi que de faire de la publicité ailleurs si cela cible les mineurs;
  • il est interdit de distribuer des échantillons gratuits aux mineurs.

Là-dessus, rien ne sera changé. Ensuite, voici les différences entre le contre-projet indirect adopté par le Parlement en octobre 2021 et l’initiative:

Restrictions Contre-projet Initiative
Distribution d’échantillons gratuit interdite interdite si des mineurs y ont accès
  • Affiches et spots au cinéma2
  • Dans et sur les véhicules publics
  • Dans et sur les bâtiments publics, terrains de sport et manifestations sportives
  • Parrainage de manifestations à caractère international
interdits interdits si des mineurs y ont accès
Parrainage de manifestations nationales autorisé sauf si adressées à des mineurs interdits si accessible à des mineurs
Publicité dans la presse et sur Internet autorisée interdites si des mineurs y ont accès
Publicité en kiosques autorisée interdite si des mineurs y ont accès
Newsletters et distribution de prospectus s’adressant à des adultes autorisé autorisé

Du coup, ma compréhension de la votation c’est que l’initiative est majoritairement plus restrictive que la situation actuelle, sauf sur les points des transports publics, bâtiments publics, terrains de sports, manifestations sportives et le parrainage à l’internationale, bien que faiblement car les mineurs ont accès à la majorité des lieux. Sachant qu’on attribue presque 10'000 décès prématurés par année au tabac, pour un coût de 4 à 5 milliards de francs par année, il me semble primordial de ne pas en faire la promotion et donc de promouvoir cette initiative.

Et oui, comme questionné par certaines affiches, peut-être que la publicité pour l’alcool devrait subir le même traitement, et pourquoi pas toute la publicité tiens3?

# Modification de la loi fédérale sur les droits de timbre

Pour le coup, l’abolition du droit de timbre semble être une question relativement simple.

Le droit de timbre c’est une taxe sur l’émission d’actions, à partir d’un montant d’un million de francs. Donc ça concerne uniquement les grosses sociétés, surtout sachant que les entreprises à but non lucratif comme les coopératives d’habitations en sont exonérées. Une fois les actions émises, l’État perçoit une taxe de 1 % sur le montant total, sans la franchise d’un million de francs.

Ce montant varie fortement d’une année à l’autre, mais en moyenne c’est 250 millions de francs par année.

En gros, le but c’est d’alléger la charge fiscale pour l’émission de gros montants d’actions, sachant que la moitié de cette taxe est payée par les 55 (2.2%) plus grosses entreprises. On a donc une demande libérale qui ne profitera qu’aux plus gros et créera un manque à gagner dans les caisses de l’État, montant qu’il faudra évidemment trouver ailleurs4.

# Loi fédérale sur un train de mesures en faveur des médias

Cette question semble très complexe. En partie car les grands médias profiteront également des mesures, comme précisé dans la documentation officielle: “Ce rabais [pour la distribution] sera désormais étendu aux journaux à plus grand tirage5”. De plus, l’argument comme quoi le subventionnement par des fonds publics permettrait de contrôler les médias semble recevable, bien que “les critères pour bénéficier d’un soutien sont conçus de manière à empêcher toute influence des autorités sur le contenu des articles ou des émissions”.

Il me semble que la question n’est pas prise par le bon bout. En effet, les petits médias locaux sont maintenant en concurrence avec des énormes médias internationaux, tel Alphabet (Google, YouTube) et Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp). C’est ces grosses structures qui peuvent se permettre de mettre à disposition un contenu prétendument gratuit, car nous savons maintenant que ce qui les intéresse c’est nos données privées, par une économie d’échelle à laquelle les médias régionaux n’ont pas accès.

Je trouve primordial de réfléchir ensemble à quelle éthique nous voulons mettre en avant par nos choix numériques6.

# Votations cantonales

# Développement des réseaux thermiques structurants

Ici, le but est d’autoriser un monopole chapeauté par l’État pour les réseaux thermiques, comme le sont actuellement les réseaux d’eau et d’électricité.

Les réseaux thermiques servent à approvisionner en chaleur ou en froid des bâtiments, l’usage de cette technologie s’inscrit dans le cadre des objectifs climatiques cantonaux. Le but est de remplacer une part des énergies fossiles pour le chauffage et la production d’eau chaude. Sachant qu’actuellement, 90 % du chauffage et de la production d’eau chaude des bâtiments genevois est assurée par des énergies fossiles, il est primordial de mettre en place des alternatives pour éviter un trop violent réchauffement climatique. L’avantage de permettre un “monopole d’État” dans ce domaine sera d’en accélérer le déploiement, en se basant principalement sur la renouvelabilité des énergies plutôt que sur la rentabilité du système.

Donc, si vous pensez qu’il faut tout libéraliser, que la concurrence permet de faire baisser les prix et que c’est la seule économie possible, il vous faut voter contre. Si au contraire vous pensez que les communs sont importants, que la population, par le biais de ses représentant·e·s politiques, doit pouvoir superviser ce type de services, alors le vote pour semble être le bon choix.

# Pour la priorité du logement aux habitant·e·s du canton de Genève

Ah voilà un bon titre mensonger. En gros, le but c’est d’augmenter la durée exigée de résidence sur le canton pour pouvoir accéder à un logement subventionné en passant de deux ans sur les cinq dernières années, à quatre sur les huit dernières. Sachant que 80 % des personnes en attente actuellement sont établies à Genève depuis plus de cinq ans, l’objectif de cette modification de loi proposée par le Grand Conseil7 est questionnable.

Le problème de fond, à savoir le manque de logements sociaux, n’est pas adressé par cette mesure, en revanche elle montera une fois de plus les “vrai·e·s genevois·es” contre les autres, très bel exemple de mesure antisociale.


  1. Donc en attendant la mise en application du contre-projet déjà été accepté. ↩︎

  2. Sachant que c’est déjà le cas dans 17 cantons (AR, BE, BL, BS, FR, GE, GR, OW, SG, SO, TG, TI, UR, VD, VS, ZG, ZH). ↩︎

  3. J’ai conscience du côté extrême de cette brève proposition d’abolition de la publicité, je vous en parlerai peut-être un jour… ↩︎

  4. Spoiler: dans les poches de la population à priori. ↩︎

  5. “Exemples de journaux à plus grand tirage: 24 heures, Luzerner Zeitung, Neue Zürcher Zeitung, Blick, Tages-Anzeiger”. ↩︎

  6. Petit point promo perso, je vous encourage évidemment à prendre contact avec moi si une formation sur le sujet vous intéresse, j’en parle dans un autre billet↩︎

  7. Loi acceptée le 2 juillet, par 45 oui, 38 non et 4 abstentions, donc très mitigée. ↩︎