# La transmission d’un vélo

Loin de moi l’idée de vous apprendre à faire de la mécanique sur vélo, mais je vais faire un petit point sur le fonctionnement d’un vélo, du moins sur le fonctionnement de la transmission1. Donc, pour faire simple, la transmission par chaine fonctionne comme suit :

  1. la personne pousse avec ses pieds sur les pédales, ce qui fait tourner le pédalier et donc les plateaux qui y sont reliés ;
  2. le plateau entraîne la chaine ;
  3. la chaine entraîne le pignon, qui va faire tourner la roue arrière et donc faire avancer le vélo.

Et chaque couple plateau/chaine et pignon/chaine fonctionne comme sur cette image.

Image d'un pignon et d'une chaine

La suite se passe le mercredi 5 février 2020.

# La rencontre 17h20

Maitre Pouce, sur une main perché, tenait en sa prise un chiffon.
Maitresse chaine, le lavement apprécié, lui tint à peu près ce langage.
[…]

Bref, la chaine s’est lassée et, aidée du pignon, s’est emparée du chiffon. Le pouce ne désirant pas se faire dévaliser ainsi, s’agrippa et rapidement ils finirent tous deux en position délicate, entre la chaine et le pignon.

Le vélo sur lequel je travaille étant un vélo à pignon fixe, l’inertie de la roue rend l’arrêt plus énergivore qu’un vélo avec une roue libre, ce qui explique en grande partie les dégâts.


Attention, à partir de maintenant il y aura des photos, âmes sensibles s’abstenir.

Et les photos ne sont pas de la meilleure qualité possible, j’espère que vous m’excuserez.


# La douleur 17h25

Que dire de ces cinq premières minutes si ce n’est que je ne me souviens pas avoir déjà eu autant mal. Je me rappelle exactement du moment où l’accident s’est passé, tout est allé tellement vite, un aller-retour contre le pignon, un gros craquement (proche d’une branche sèche qui se casse, dans ma mémoire du moins), une compréhension très rapide du fait que, vulgairement, j’avais merdé grave…
J’ai donc mon chiffon encore dans ma main, et le seul réflexe que j’ai à ce moment (qui se trouve en être un pas mauvais du tout) est de serrer ce doigt dans son chiffon dégueulasse, en essayant de gérer la douleur et l’effet de choc.

Après les cinq premières minutes, je regarde l’état de mon doigt et, la compression ayant bien aidé, il n’y a encore aucune goutte de sang. Mais je me rends assez vite compte du problème, de ce que je vois l’ongle est complètement explosé.

Photo du doigt, juste après l'accident

Cette photo a été prise un peu après, le premier nettoyage de fait.

# Le verdict 18h20

Bref, je me débrouille tant bien que mal pour aller à l’hôpital. L’accident s’étant passé à Bernex, je vais à Onex2, où on m’explique que c’est trop grave pour leurs compétences et qu’il faut que j’aille aux HUG3, en transports publics du coup… Mais ils me donnent quand même une bonne dose d’antidouleur.

Une fois à l’hôpital, je suis assez rapidement pris en charge. La plaie est correctement nettoyée et on me fait les premières radios. Je m’attendais à une fracture (à cause du bruit vous vous rappelez ?) mais pas à un truc éclaté comme ça.

Première radio, de profile
Première radio, du dessus

Je rappelle que ça va pas s’améliorer pour les photos, donc si vous avez déjà envie de vomir, allez lire autre chose.

Et là je vous mets juste la photo que j’ai prise juste après les radios, avec la plaie bien nettoyée et où on voit bien la fracture ouverte.

Photo de la fracture ouverte

J’ai de la chance d’avoir une chirurgienne rapidement disponible, je passe donc à l’étape suivante. C’est prévu comme suit :

  • enlever les morceaux d’ongle, complètement ;
  • nettoyer la plaie ;
  • mettre une broche pour tenir ce qui est encore utilisable du mieux que possible ;
  • recoudre ;
  • protéger avec un faux ongle en plastique.

# L’opération 19h46

Ça y est, je suis tout prêt. Nous sommes, la chirurgienne, les deux infirmiers (Je ne sais pas s’ils ont un statut particulier, désolé) et moi, équipés d’un tablier de protection car toute l’opération se fait avec comme outil de contrôle un appareil de radiologie.

Elle m’anesthésie le pouce, c’est vraiment surprenant, uniquement le pouce. Je sens toute ma main, mes quatre autres doigts…

La première partie, qui consiste à enlever l’ongle, se fait ultra rapidement. Je n’ai pas vraiment le temps de m’en rendre compte qu’elle est déjà en train de nettoyer la plaie et s’amuse à faire le tri entre les petits éclats d’os qu’il faut jeter et ce qu’il vaut mieux garder. Nous en sommes à 25 minutes d’opération et ça commence à paraître plus propre. Vous noterez la présence d’un joli garrot, du coup ça ne saigne pas du tout.

Nettoyage de la plaie

On passe ensuite à la troisième étape, la pose de la broche. Alors j’avais comme imagination qu’il fallait percer avec un outil rotatif, et que la broche ressemblerait un peu à une vis. En fait, pas du tout, c’est une espèce de grosse aiguille qu’elle pousse comme une débile à travers les morceaux d’os. La difficulté est de réussir à aligner le gros fragment qui reste avec la base de la phalange.

Pose de la broche

Malgré toute sa dextérité, il lui faudra quand même un petit moment pour réussir à tout aligner comme elle voulait.

On peut ensuite passer à la couture. Elle fait huit points, la fracture étant juste dessous il faut absolument que ça cicatrise rapidement et bien.

Début de la couture de la plaie

Et hop, un doigt reconstitué et tout propre. On voit bien la broche qui dépasse un peu encore.

Doigt réparé!

Maintenant, l’ongle n’étant plus là pour protéger la peau qui est en dessous, il faut préparer un faux ongle. Je m’attendais à un truc tout bien prévu pour lorsque je la vois commencer à découper le tube de ce qui ressemble à une grosse seringue…

Mon nouvel ongle

J’ai maintenant un doigt tout neuf ! Après une heure quinze de travail, la chirurgienne est contente du résultat. Ils me mettent un pansement énorme (qui ne s’avérera pas être de trop, au vu de la quantité de sang qui s’échappe une fois le garrot enlevé).

Photo du premier pansement

# La radio de vérification 21h40

La petite dernière radiographie pour vérifier que tout est en place. On y voit bien les deux fragments fixés ensemble par la broche ainsi que le troisième qui est posé en dessous, ou à côté, selon comment on est tourné ça change tout.

La radio de sortie

Je peux enfin sortir de l’hôpital et prendre mon petit taxi privé (mes potes qui sont venus me chercher, plein d’amour sur eux) et aller me coucher.

# La suite 6 février

Du coup, j’ai déjà fait le premier changement de pansement, le lendemain. Ça saigne beaucoup, ça a été long mais maintenant c’est bon, j’ai plus qu’un petit pansement avec un tube sur le doigt pour le protéger.

Le petit, deuxième pansement

Il faudra ensuite attendre que la cicatrisation se fasse correctement pour pouvoir enlever l’ongle de protection et une fois que l’ongle, le mien, commencera à repousser il faudra lui mettre un guide pour le forcer à pousser bien droit contre le doigt.

# Update du cinquième jour 10 février

J’ai terminé les antibiotiques après trois jours de prise préventive.

J’ai changé le pansement pour la deuxième fois et revu la chirurgienne le lundi 10 février, le cinquième jour après l’accident. Le pouce a pas mal saigné pendant ces quatre jours, du coup tout était bien collé sous le tuyau mais, après un moment dans l’eau pour tout ramollir, l’infirmière a réussi à tout décoller.

Le pansement ensanglanté

Alors j’ai trouvé mon doigt vachement propre (si on relativise par rapport à l’accident). Le doigt ne donnait pas l’impression d’avoir passé trop longtemps dans une baignoire, contrairement au changement de pansement de jeudi. On dirait presque que j’ai un vrai ongle sur la photo… Et j’ai gardé mon petit outil pour reset mon Tamagotchi. Sinon c’est très peu enflé et il n’y a même pas d’hématome, ce qui est une très bonne nouvelle.

L'état du doigt après 5 jours
L'état du doigt après 5 jours

# Ça avance gentiment 17 février

Globalement, c’est bien sec et ça ne fait plus du tout mal pendant la journée. Certains mouvements tirent clairement sur la réparation mais si je fais attention à mes mouvements, j’arrive à ne pas avoir mal du tout. J’ai donc pu arrêter totalement les antidouleurs.

Le changement de pansement cet après-midi s’est bien passé, ça ne saigne plus vraiment.

L'état du doigt après 12 jours
L'état du doigt après 12 jours

Préparez-vous, prochaine mise à jour on enlève le faux ongle.

# On enlève le faux ongle 26 février

C’est ce qui était prévu, mais on y reviendra.

Pour commencer ma visite du jour, une petite session radio.

La radio après 3 semaines
La radio après 3 semaines

Alors on peut voir deux choses avec ces radios:

  1. Ah, c’est encore vachement pété, c’est toujours le bordel dans ce doigt.
  2. Il y a des ponts qui se forment, ça va dans la bonne direction.

Et la suite de la journée c’était le changement de pansement et le retrait du faux ongle de protection. Du coup, voici les premières photos de mon doigt depuis trois semaines.

Le doigt sans faux ongle
Le doigt sans faux ongle

C’est bien propre, ça cicatrise bien. Le lit de l’ongle4 est encore ultra sensible, du coup les médecins m’ont remis le faux ongle, cette fois au-dessus d’une petit bout de gaze de protection. Le but est de sécher le lit de l’ongle, ça viendra par la suite.

Quant à la repousse de l’ongle, la chirurgienne est optimiste, mais il faudra attendre pour voir ce que cela donne.

# Et hop, la broche en quarantaine 19 mars

Pendant cette période de pandémie5, j’ai eu la chance d’avoir des rendez-vous réguliers aux HUG3. Les médecins voulaient éviter que la peau du lit de l’ongle4 pousse n’importe comment, j’ai donc eu droit à une crème à la cortisone, ce qui a forcé un suivi plus régulier, deux fois par semaine.

Résultat, après deux semaines de traitement, le pouce a l’air en forme, la blessure n’est plus vraiment douloureuse.

Les radios permettent de confirmer l’ablation de la broche prévue.

La radio avant l'ablation
La radio avant l'ablation

S’ensuit l’ablation de la broche. Je m’attendais à quelque chose un peu préparé… Le pouce désinfecté, la table préparée, la chirurgienne m’a posé une question à laquelle je n’ai pas eu le temps de répondre, qu’elle avait déjà arraché la broche. Une pince et hop, elle tire dessus d’un coup sec et c’est dehors.

Une petite radio de vérification pour s’assurer que rien n’a bougé.

La radio après l'ablation
La radio après l'ablation

Et voilà, mon pouce sans la broche.

Le pouce sans la broche

Maintenant, deux derniers jours avec un pansement, le temps que le trou de la broche se referme bien et ensuite rééducation pour récupérer de la mobilité sur l’articulation, qui pour le moment n’est pas d’une utilité folle…

L'articulation en flexion maximum

# Rééducation et repousse

Il m’a fallu quelques semaines pour récupérer toute ma mobilité, mais c’est bon c’est revenu. Le problème maintenant c’est la pousse de l’ongle, la matrice a été salement touchée au milieu et apparemment l’ongle ne repoussera jamais en entier.

Je me trouve donc, après une année de repousse, avec un ongle bifide, dont une partie est plutôt en bon état mais dont l’autre fait n’importe quoi. Après plusieurs discussions avec mes médecins, on décide de réopérer pour enlever définitivement cette partie de la repousse.

Voici l’état après un peu plus d’une année de repousse, avec la partie droite qui dérange.

On voit la partie gauche de la repousse en bonne forme et la partie droite qui fait n'importe quoi
On voit la partie gauche de la repousse en bonne forme et la partie droite qui fait n'importe quoi

# Opération pour régler ce problème 09 mars 2021

On repart donc pour une intervention chirurgicale, il faut ouvrir la peau au niveau du lit de l’ongle, enlever l’ongle ainsi que la matrice, pour qu’il ne repousse plus.

Cette fois, l’opération est une expérience bien moins fun. Fini la salle de plâtre et la rigolade avec l’équipe des urgences. Là c’est opération planifiée, rendez-vous préalable avec l’anesthésiste, habits du démon (les bleus qui font transpirer). Dans la salle d’opération, on se croirait dans un cockpit de fusée, des outils de contrôle partout, une demi-douzaine de personnes pendant l’opération. J’étais caché derrière un drap, impossible de voir ce qui se passe, vous n’aurez donc pas de photo (et moi non plus, snif). Globalement ça se passe bien, la partie la plus dérangeante (pour ne pas dire douloureuse) est liée au garrot pour l’anesthésie locale (tout l’avant-bras). Après près de trois quarts d’heure, mon bras commence à me faire comprendre qu’il aimerait bien récupérer un peu de sang.

Enfin bref, je sors de la salle, je bois un petit jus et je rentre chez moi, les joies de la médecine ambulatoire. J’ai une fois de plus droit à un magnifique pansement, spéciale dédicace à mon médecin qui est, j’en suis certain, très fier de cette œuvre d’art.

Pansement king size pour la nuit

De nouveau, le but est d’absorber le sang éventuel pendant la nuit.

# On reprend le suivi 10 mars 2021

Et voilà, je change ce magnifique pansement. Résultat, ça a peu saigné, presque rien à nettoyer. J’ai plein de points de sutures et un doigt qui ressemble de nouveau à pas grand-chose. Au moins, cette fois je repars directement avec un mini pansement, et un tube de protection amovible.

Le chirurgien a également essayé de recoller la peau de droite avec le bord de l’ongle, on verra ce que ça donnera une fois tout bien cicatrisé.

Les points de sutures
Tout petit pansement

# Des pansements, toujours des pansements 21 mars 2021

Bon, on m’a enlevé les points, mais je dois toujours faire attention et j’ai toujours droit à un super pansement, à changer encore régulièrement. Bilan de l’opération dans un mois avec le chirurgien. En attendant, l’état du pouce au 16 et 21 mars. Je n’ai pas pris de photo sans les points, mon mauvais.

Pouce en phase de guérison
Pouce en phase de guérison

  1. La transmission, souvent un entraînement par chaîne dans le cas du vélo, est une manière de transmettre de la puissance mécanique entre le pédalier (là où on pousse avec les pieds) et la roue arrière. ↩︎

  2. Cité Générations est la première Maison de Santé en Suisse, il y a entre autre un service d’urgences. ↩︎

  3. C’est le gros hôpital public de Genève. ↩︎ ↩︎

  4. La partie sous l’ongle, qui est normalement protégée par ce dernier. ↩︎ ↩︎

  5. Et oui, nous sommes en pleine pandémie du SARS-CoV-2, aka coronavirusSARS-CoV-2 sur Wikipedia ↩︎